[Portrait de chercheurs] Olinka De Roger : "L’éloge du paradoxe"

 
Publié le 19/02/2020 - Mis à jour le 5/05/2023

Tout au long de l’année, La Semaine et l’Université de Lorraine vous proposent de rencontrer chaque mois les jeunes talents scientifiques qui portent haut les couleurs de la Lorraine dans le monde entier. Sixième épisode de la série avec Olinka De Roger du Centre de recherche sur les médiations (Crem).

« Comme je n’ai pas d’héritage à te donner, je me dois de te pousser à faire des études jusqu’au bout de tes possibilités ». Les paroles du père d’Olinka De Roger résonnent encore chez l’étudiante de 29 ans, originaire de Madagascar. « Pour lui faire plaisir, je suis allée bien au-delà de ce que j’avais envisagé au départ. Après mon baccalauréat scientifique en 2008, je souhaitais faire des études courtes. Avant tout par envie mais aussi parce que Madagascar était un pays très corrompu. De fait, il était très difficile d’accéder aux filières prestigieuses… J’ai alors passé des concours que j’ai réussi. Je me suis dirigée vers le marketing et le management pour entrer tôt dans la vie active. » Puis il y a eu les années blanches à Madagascar. « Autrement dit, la grève des enseignants et des étudiants entre 2012 et 2014. Pendant cet intermède, j’ai occupé un poste d’animatrice des ventes qui m’a permis de mesurer combien les études étaient importantes. » Tant et si bien qu’Olinka décide de partir en France poursuivre son parcours universitaire. Une volonté qui l’emmène d’abord en sciences du langage à Toulouse puis à Metz où elle a obtenu son Master II. « Les professeurs m’ont encouragée à tenter une thèse puisqu’ils ont estimé que j’en avais le potentiel. »

« La répétition engendre la banalité »

Une thèse qui s’inscrit dans un grand projet CNRS, « que j’ai commencé depuis le Master II. Je me suis spécialisée dans l’analyse verbale et le sujet de thèse s’est naturellement imposé* ». Au travers d’un stage proposé par l’une de ses professeurs du Centre de recherche sur les médiations (Crem) à l’Université de Lorraine, Olinka a eu l’opportunité de mener en milieu hospitalier, une expérimentation interdisciplinaire, mêlant sciences du langage et neurosciences. « Je suis ainsi partie à Paris effectuer des tests auprès de 28 sujets volontaires, 14 femmes et 14 hommes qui sont restés à l’hôpital pendant 24h. Tous ont été appelés à visionner une vidéo « neutre » et une autre plus violente avec des textes et des images de nature choquante. Avec les sujets, on a créé deux groupes homogènes avec 7 hommes et 7 femmes par groupe. Les gens ont vu les deux vidéos dans un sens ou dans un autre. On leur a mis des capteurs pour percevoir les émotions et entre le visionnage des vidéos, on a mené des entretiens. » Une expérimentation d’ores et déjà riche d’enseignements. « En effet, la répétition engendre une certaine forme de banalité. En d’autres termes, plus on voit la vidéo violente, plus cela atténue les sentiments d’émotion négative. L’un de mes axes de réflexion consiste à savoir pourquoi et à en comprendre les raisons profondes. »

 

Addict aux séries criminelles

La thèse d’Olinka sera soutenue à l’automne 2021. « Pour moi, c’est encore loin. J’ai toujours donné le meilleur de moi-même dans l’urgence. Par exemple, j’ai commencé à rédiger mon mémoire de soutenance, 3-4 mois avant l’échéance. Je fais toujours les choses à la dernière minute car j’ai l’impression que je n’ai pas d’idées avant. » Lorsqu’elle ne fait pas de recherche et ne dispense pas de cours – la jeune femme a un contrat doctoral – Olinka s’attarde devant… la TV ! « Je suis complètement addict aux séries policières ainsi qu’aux documentaires sur les crimes et faits divers sur Netflix. J’adore ça ! À chaque fois, je mène l’enquête comme si j’étais policier. » Il faut dire que la météo messine l’y aide beaucoup. « Étant une fille des îles, le soleil me manque terriblement… » Mais tout n’est pas si morose. « Metz est une ville à taille humaine et se pose comme le carrefour idéal pour se rendre à Paris, Luxembourg ou l’Allemagne toute proche. Puis j’aime flâner au bord du plan d’eau avec mon chien, un coton de Tuléar** qui me rappelle ma chère Madagascar ! »
 
* "Émotion et violence verbale : analyse verbale et perspectives multimodales des émotions face à de la violence verbale". La thèse d'Olinka est préparée sous la direction de Béatrice Fracchiolla.
** Le Coton de Tuléar trouve ses origines dans la région de Tuléar dans le sud de Madagascar. Sa descendance avec divers types de bichons, présents sur les navires commerciaux des colons français au 16e siècle, est évidente.
 
Cet article a été publié dans La Semaine le jeudi 20 février 2020.
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